Sommes-nous libres dans nos choix de consommation ?

Combien de fois avons-nous remplacé un objet qui fonctionnait encore très bien, juste parce qu’un modèle plus récent venait de sortir ? Un smartphone, un aspirateur, un casque audio… Était-ce vraiment nécessaire ? Sommes-nous aussi rationnels que nous aimons le croire dans nos choix de consommation ? 

HOP (Halte à l’obsolescence programmée) a publié les résultats d’une étude menée par Occurrence – Groupe Ifop auprès d’un échantillon représentatif de la population française. L’association y met en lumière les pressions exercées par le marketing, incitant les consommateur·rices à la surconsommation. Ce phénomène, déjà bien documenté dans les milieux académiques, porte un nom : l’obsolescence marketing.

Mais de quoi parle t-on ? Quels sont vraiment ses impacts sur nos choix de consommation ? Pouvons-nous lutter ?

1. L’illusion de la longévité

À propos de consommation, nous sommes souvent bourrés de bonnes intentions.  C’est en tout cas ce que révèle les premiers chiffres de l’étude : nous voulons tous acheter des produits qui dureront le plus longtemps possible. Mais dans les faits, nous les remplaçons bien avant qu’ils ne tombent en panne.

Prenons l’exemple du smartphone : les Français aimeraient en moyenne le conserver 6 ans, mais finissent par le remplacer au bout de 3 ans seulement. Et cette tendance se vérifie sur de nombreux produits : la durée de vie idéale imaginée est souvent deux fois plus longue que la réalité.

Mais pourquoi cette mauvaise estimation de la durée de vie de nos objets ? Pourquoi la durée d’usage est-elle si courte par rapport à ce que nous avions estimé lors de l’achat ? Est-ce parce que nos objets ne sont plus fonctionnels (smartphone cassé et irréparable, aspirateur qui n’aspire plus, etc.) ?

Capture d’écran extraite de l’étude HOP / IFOP (juin 2025), disponible en fin d’article.

2. L’obsolescence marketing : ou comment vous faire acheter de nouveaux produits dont vous n’avez pas (encore) besoin.

Et oui, si nous changeons si souvent de produit, c’est avant tout parce que les marques font tout pour que nous en ayons envie. Une marque n’a aucun intérêt à ce que vous gardiez votre smartphone pendant 6 ans. Alors, en plus de pratiquer parfois  l’obsolescence programmée (on vous en dit plus ici), certaines pratiquent également l’obsolescence marketing. Le principe ? Vous faire croire que les produits les plus récents vous apporteront beaucoup plus que les anciens. Dans les faits, c’est souvent faux. 

Il s’agit donc de toutes les méthodes de publicité et de marketing pour vous donner envie d’un nouveau produit. 

Le premier coupable : le « technowashing » : environ 50 % des renouvellements jugés inutiles sont influencés par ce dernier. Derrière ce mot un peu barbare se cache une réalité simple : les marques utilisent des slogans qui donnent l’impression d’une grande innovation… alors que le produit n’a, en fait, pas vraiment changé.

Par exemple, on vous promet un appareil « 20 % plus rapide » ou « deux fois plus performant ». Mais dans la vie de tous les jours, difficile de sentir la différence, surtout quand l’ancien appareil fonctionnait déjà très bien. Résultat : on est tenté de remplacer un objet encore parfaitement utilisable, juste parce qu’on pense qu’il est devenu « dépassé ».

Capture d’écran extraite de l’étude HOP / IFOP (juin 2025), disponible en fin d’article.

3. La publicité, principal moteur de consommation.

Dans notre quotidien, la publicité est partout. Dans le métro, dans la rue, sur nos écrans, dans les applis, au cinéma, à la télévision… Impossible d’y échapper. Et ce n’est pas un hasard : elle fonctionne extrêmement bien.

Quelques chiffres tirés de l’étude :

  • 66 % des Français se déclarent surexposés à la publicité, malgré leur aspiration à consommer de manière responsable.

  • Plus d’un tiers des achats de produits encore fonctionnels interviennent après exposition à une publicité. L’impact pourrait être encore plus élevé, du fait du biais déclaratif (on sous-estime souvent l’influence de la publicité).

  • Les dark patterns (interfaces trompeuses sur sites et applis, en savoir plus ici) sont de plus en plus utilisés, selon l’OCDE affectant 9 consommateurs sur 10. Ils prolongent notre temps en ligne (~3h30/jour en moyenne), amplifiant les incitations à l’achat.

Capture d’écran extraite de l’étude HOP / IFOP (juin 2025), disponible en fin d’article.
Capture d’écran extraite de l’étude HOP / IFOP (juin 2025), disponible en fin d’article.

4. Comment lutter ?

Face à ce phénomène, on peut parfois se sentir découragé. À quoi bon résister, si ce nouveau produit me fait tellement envie ? Et puis, si ça me fait plaisir… où est le mal ?

Le problème, c’est que cette envie répétée de consommer a un coût réel : pour la planète, pour les autres, et pour nous-mêmes.

Derrière chaque objet acheté, il y a des ressources naturelles prélevées, parfois rares ou non renouvelables. Il y a aussi de la pollution : des océans, des sols, de l’air. Sans oublier les conditions de production : la plupart de nos produits viennent de très loin, souvent fabriqués dans des ateliers où les conditions de travail sont précaires.

Et au final, cette course à la nouveauté ne rend pas plus heureux. Au contraire, elle nous fait souvent passer à côté de ce qui compte vraiment : vivre l’instant présent, partager des expériences, bien s’entourer, manger sainement, créer du lien, donner du sens. Des sources de satisfaction durables, loin de l’achat compulsif.

La méthode BISOU

Développée par des chercheurs en consommation, cette méthode invite à se poser 5 questions avant un achat :

  • Besoin : en ai-je vraiment besoin ?

  • Immédiat : en ai‑je besoin maintenant ?

  • Semblable : ai‑je déjà un objet similaire ?

  • Origine : d’où vient ce produit ?

  • Utile : va‑t‑il me servir quotidiennement ?

Une approche simple mais efficace pour limiter les achats impulsifs liés à l’obsolescence marketing.

Privilégier la seconde main et favoriser la réparation

Se tourner vers la seconde main et réparer plutôt que remplacer contribue à réduire les déchets et l’impact environnemental. HOP rappelle que 80 % de l’empreinte d’un produit se joue à sa fabrication, d’où l’importance de prolonger sa durée d’usage.

 

Agir collectivement et interpeller les marques

HOP propose 30 mesures concrètes, fruit d’une agora citoyenne et d’un dialogue avec des experts et professionnels. 

Parmi ces mesures : 

  • reconnaître l’obsolescence marketing comme un délit, au même titre que l’obsolescence programmée ;

  • demander une régulation plus stricte de la publicité, incluant un pouvoir de sanction ;

  • appeler à une feuille de route nationale d’ici 2026, pour que le marketing durable devienne la norme, pas l’exception.

 

Le mot de la fin

Le sondage HOP / IFOP montre clairement que l’obsolescence marketing est une force invisible, mais puissante, derrière nos habitudes de renouvellement prématuré. Les Français aspirent à consommer moins et mieux, mais se retrouvent souvent influencés par la publicité et une culture de la nouveauté.

En se questionnant avant d’acheter (« méthode BISOU »), en optant pour la réparation ou la seconde main, et en soutenant la régulation du marketing, chacun·e peut contribuer à ralentir cette surconsommation artificielle.

Un petit geste individuel, pour un progrès collectif.

Nos derniers articles

Partager l'article